21.05.2021 - 03.07.2021
LOTTE VAN DEN AUDENAEREN
DAJO VAN DEN BUSSCHE

EN

Hamm. — Have you not had enough?
Clov — Yes! (Pause.) Of what?
Hamm. — Of this... this... thing.
Clov — I always had. (Pause.) Not you?
Hamm. (gloomily) — Then there's no reason for it to change.
Clov — It may end. (Pause.) All life long the same questions, the same answers.

Dajo Van Den Bussche and Lotte Van den Audenaeren’s works are manifestations of time, made visible by the latter’s passing. By time’s thickness. By its power to transform.

The ongoing photographic series Near Gale sees Dajo Van Den Bussche stake claim to influence from landscape photographers of the American West such as Ansel Adams, Brett Weston, and their contemporaries. Their images contributed to the process of building the nation’s identity at the dawn of the 19th century, and addressed questions of territory and its limits. Van Den Bussche’s work also harks back to the New Topographics movement including Lewis Baltz and Bernd and Hilla Becher, known for their documentary images of urban landscapes or soon-to-be abandoned industrial structures.

It seems that in Van Den Bussche’s images, time no longer has any value. There is no future. Only depersonalisation. Dispersion. An absence from the world. A topography of emptiness. Observing these images, one realises that it’s difficult to recognise and place oneself somewhere if the stamp of time has been removed. There’s no routine, no everyday. Here and there, an element can be identified, but consciousness is soon lost again since time is no longer traversed like a series of successive steps, it is instead a disappearance, an abandonment. 

The place is the artist’s birthplace. Ostend. Yet it does not look anything like what one might imagine when thinking about Belgium’s biggest coastal town. The landscape here is desolate and exceptionally silent. There’s no story to be told, you might say the image is mute.
So here, in this face-off, I am no longer the person looking at the landscape. I am the person being looked at by the landscape. It’s almost hostile, or austere to say the least. The image is matte, black and white, anti-spectacular, yet courageous. 

These photographs, taken in the port of Ostend with a large format camera (which lends them a great deal of precision) are evidence of a transformation. Something is dying, a change is happening. It could be said that these images act as a sluice gate between two worlds. A passage, a ritual, a wandering, a bereavement that only these documents prove exist.

Lotte Van den Audenaeren daubs the windows of CCINQ as if the space were under construction. Undergoing renovation. Using Meudon white chalk to opacify shop windows has become synonymous with transformation, with changing spaces we must not see, with hiding the undoing of structures. A break in time. An interaction with time on another level. 

Van den Audenaeren outlines an inner void. However, this void is paired with a message: “It is already happening”. Indeed, the artist opens up a conversation in the margins. An opportunity. “Tiens!” (in French, a word of many meanings that marks surprise, an interjection or offers something, as in “here, take this”. NDLT). The space between inside and outside is torn open by a brief utterance. A short word, a common situation, it’s almost a parody yet is used to create an identity: 

Clov —  Something is taking its course. (…)
Hamm. — I'm taking my course 

Words are written in white Meudon chalk. Here there are no speeches that assert power, simply an attempt. The text destroys all points of reference by means of its subtle irony. An echo system is created, a parallel between the exterior and exterior of CCINQ. Time becomes a representation, in the theatrical sense of the word. Time expresses a void. A presence of absence. The time of not yet. A bright tangent that could perpetually fill the emptiness of time, and the void within ourselves.

Hamm. —I was never there. (Pause.) Clov! 
Clov (turning towards Hamm, exasperated) — What is it? 

Hamm. — I was never there.
Clov — Lucky for you


Patrick Carpentier

FR

Hamm. — Tu ne penses pas que ça a assez duré ?
Clov. — Si ! (Un temps.) Quoi ?
Hamm. — Ce... cette chose.
Clov. — Je l’ai toujours pensé. (Un temps) Pas toi ?
Hamm. (morne) — Alors c’est une journée comme les autres.
Clov. — Tant qu’elle dure. (Un temps.) Toute la vie les mêmes inepties.

Les travaux de Dajo Van den Bussche et Lotte Van den Audenaeren sont des expressions du temps marquées par son déplacement. Par son épaisseur. Par son pouvoir transformateur.

Avec Near Gale, série de photographie – en cours – Dajo Van den Bussche, revendique des influences de la photographie de paysages de l’Ouest américain dans la lignée de Ansel Adams, Brett Weston et leurs contemporains. Un travail étroitement lié au processus de constitution de la nation américaine lors de la conquête du pays au début du 19è siècle. Leurs images soulèvent la question du territoire et de ses limites. Mais les travaux de Van den Bussche se réclament en même temps des New Topographics comme Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher et leurs photographies documentaires de paysages urbains ou de structures industrielles en déshérence.

Il semblerait que dans les images de Van den Bussche le temps n’ait plus de valeur. Plus de futur. Il y a une dépersonnalisation. Une dispersion. Une absence au monde. Une topographie du vide.
On se rend compte qu’il est difficile, en regardant ces photographies, de reconnaître et de se situer dans un espace où la trace du temps s’est effacée. Sans routine, sans quotidien. Nous reconnaissons ça et là un élément, mais vite nous perdons connaissance puisque le temps n’est plus vécu comme une série d’étapes successives mais comme une disparition. Un abandon.
Le lieu, est le lieu de naissance du photographe – Ostende –, qui ne ressemble en rien à ce que l’on peut imaginer lorsqu’on évoque l’image de la plus grande ville balnéaire de la côte belge. Ici le paysage est désolé et particulièrement silencieux. Rien d’anecdotique, on pourrait presque dire, une image sans son.
Alors ici dans ce froid face à face, je ne suis plus celui qui regarde le paysage, je suis celui qui est regardé par le paysage. Il y a presque une hostilité, en tout cas une austérité. Une image matte, noir et blanc, anti-spectaculaire, mais courageuse.
Car ces photographies prises dans le port d’Ostende à la chambre technique – qui leur confère une extrême précision – documentent une transformation. Quelque chose meurt, il y a une conversion.
On pourrait dire de ces images qu’elles sont une écluse entre deux mondes. Un passage, un rituel, un errement, un deuil dont ces documents seraient la preuve de l’existence.

Lotte Van den Audenaeren badigeonne les vitres du CCINQ comme si l’espace était en travaux. En rénovation.
Au cours du temps, l’utilisation du Blanc de Meudon sur des vitrines de magasins est devenue synonyme de transformations, d’un espace en mutation où l’on souhaite cacher à la vue une déstructuration, un temps mort. Un rapport au temps autre.
Van den Audenaeren nous suggère un vide intérieur. Mais ce vide est accompagné d’un discours : « It is already happening ».
En effet Van den Audenaeren crée une ouverture didascalique. Une opportunité. « Tiens » ! L’espace extérieur-intérieur est ouvert par un langage bref. Une parole réduite, situation éculée, à la limite du parodique mais instrument d’une identité :

Clov. — Quelque chose suit son cours.
Hamm. — Je suis mon cours.

Des mots sont écrits dans le Blanc de Meudon. Ici, pas de discours de pouvoir, simplement une tentative.
Ce texte détruit les points de repère par une subtile ironie. Il crée un système d’écho et de parallélisme entre l’extérieur du CCINQ et son intérieur.
Le temps devient une représentation, au sens théâtral. (Un temps) qui exprime le vide. Une présence à l’absence. Le temps du pas encore. Une tangente lumineuse qui occuperait sans fin le vide du temps et de notre propre vide intérieur.

Hamm. — Je n’ai jamais été là. (Un temps.) Clov !
Clov. (se tournant vers Hamm, exaspéré) — Qu’est ce que c’est ?
Hamm. — Je n’ai jamais été là.
Clov. — Tu as eu de la veine.


Patrick Carpentier